Jeudi Saint

L'Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

E

Avant la fête de la Pâque,
sachant que l’heure était venue pour lui
de passer de ce monde à son Père,
Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu’au bout.

Au cours du repas,
alors que le diable
a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote,
l’intention de le livrer,
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains,
qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,
se lève de table, dépose son vêtement,
et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;
puis il verse de l’eau dans un bassin.
Alors il se mit à laver les pieds des disciples
et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre,
qui lui dit :
« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ;
plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit :
« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
Jésus lui répondit :
« Si je ne te lave pas,
tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre
lui dit :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds,
mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit :
« Quand on vient de prendre un bain,
on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds :
on est pur tout entier.
Vous-mêmes,
vous êtes purs,
mais non pas tous. »
Il savait bien qui allait le livrer ;
et c’est pourquoi il disait :
« Vous n’êtes pas tous purs. »

Quand il leur eut lavé les pieds,
il reprit son vêtement, se remit à table
et leur dit :
« Comprenez-vous
ce que je viens de faire pour vous ?
Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”,
et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître,
je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C’est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi,
comme j’ai fait pour vous. »

– Acclamons la Parole de Dieu.

Jn 13, 1-15

L'homélie

Le dernier repas

Dans un instant, concrètement, je vais faire mémoire du geste du lavement des pieds dont nous venons d’entendre à nouveau l’évocation dans l’évangile de ce jeudi saint.
12 d’entre nous ont accepté de vivre ce moment fort de notre liturgie.
Mais… qu’a-t-il donc de si extraordinaire, ce geste ?
Demandez aux accompagnants de personnes porteuses d’un handicap ;
Demandez aux aides soignantes dans les hôpitaux, ou aux infirmières qui aident les personnes dépendantes à domicile : laver quelqu’un, même si ce n’est pas très agréable, somme toute : c’est un acte assez banal.
A l’époque de Jésus, tout le monde portait des sandales. Et bien sûr, marchant sur des chemins de terre battue, tout le monde avait les pieds sales.
Qu’y a-t-il donc de si extra-ordinaire, et de si important, dans ce geste effectué par Jésus ?
Peut-être bien que justement : c’est dans les petits gestes simples, effectués dans l’ordinaire de notre vie, dans les choses qui à première vue peuvent paraître dérisoires, que l’on peut y trouver la trace extraordinaire de notre Seigneur Jésus-Christ.
C’est peut-être parce que notre société contemporaine est sans cesse à la recherche d’événements fantastiques,
spectaculaires et tonitruants, que l’on ne se rend plus bien compte de la force considérable qui réside dans les gestes les plus simples, mais remplis d’amour, que nous effectuons tous chaque jour.
Oui : « des gestes remplis d’amour ». Car pour Dieu, « régner » c’est aimer ; « dominer » c’est servir ; « commander » c’est prendre la dernière place.
En regardant ce soir le Dieu de Jésus-Christ, nous sommes loin de ces « grands de la terre » dont parlent chaque jour nos journaux d’actualités : tous ceux qui font tout pour concentrer toute l’attention sur eux, se faire craindre, ou admirer, et qui se poussent pour parvenir à la première place : tous ces autocrates du monde moderne.
En regardant ce soir le Dieu de Jésus-Christ, nous sommes loin de cette image d’un Dieu tout-puissant qui ferait subir ses moindres volontés à des créatures soumises et impuissantes.
Ce qui est extraordinaire dans le geste du lavement des pieds c’est que : ce faisant, Jésus, lui le maître, accepte de l’agenouiller aux pieds de ses disciples.
Avant de prendre résolument le chemin de la croix – demain – Jésus nous révèle en fait : le cœur de Dieu lui-même.
N’oublions pas que parmi les douze apôtres, tous vont s’enfuir lors de l’arrestation de Jésus au jardin de Gethsémani. Parmi les douze, il y a Juda dont Jésus savait qu’il allait « le livrer ». Il y a aussi Pierre dont Jésus a prédit qu’il l’abandonnerait et le renierait par trois fois, lors de son procès devant Pilate.
Et Jésus va laver les pieds de ces deux là aussi !
Lorsqu’il s’agenouille devant tous ces hommes qu’il a choisis et aimés, Jésus sait tout cela. Cela donne à son geste une extraordinaire densité : Dieu se met à genoux devant les pécheurs que nous sommes tous !
Il y a quelque chose de dramatique, mais, en même temps, quelque chose d’émouvant dans cette scène qui se déroule sous nos yeux. L’évangéliste Saint Jean la décrit comme étant le cœur même du dernier repas : la dernière Cène, où Jésus va instituer pour tous les âges à venir, ce que nous célébrons chaque dimanche : l’Eucharistie.
Par son corps et son sang, Jésus veut d’abord nous protéger de nous-mêmes, de notre péché qui nous enferme si bien, et dont il veut nous délivrer en nous offrant une liberté nouvelle.
Le symbole de cette farine : ces grains de blés moulus, avec lesquels les artisans boulanger fabriquent du pain ; le symbole de jus de raisin : ces grains du fruit de la vigne pressés  avec lesquels les viticulteurs fabriquent du vin ; ces deux symboles constituent l’humble matière première choisie par Jésus pour rassembler en son nom : le ciel et la terre.
En jetant un pont entre le ciel et la terre c’est le signe de la nouvelle et éternelle alliance que Jésus établi en son corps et en son sang : Un amour qui se propose sans s’imposer. Un amour offert jusqu’au bout en la personne même de Jésus qui est à la fois homme et Dieu sans mélange ni confusion.
C’est cet amour qui est notre vrai trésor. Notre plus bel héritage.
Il doit devenir notre seule arme, notre véritable loi, notre unique raison de vivre.
Jésus nous en a montré le chemin afin que nous aussi, nous fassions de même.

Père Dominique Lemahieu

Wambrechies, le 28 mars 2024