30ème dimanche du Temps Ordinaire
L'Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là,
les pharisiens,
apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens,
se réunirent,
et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus
pour le mettre à l’épreuve :
« Maître, dans la Loi,
quel est le grand commandement ? »
Jésus lui répondit :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur,
de toute ton âme et de tout ton esprit.
Voilà le grand, le premier commandement.
Et le second lui est semblable :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
De ces deux commandements
dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
L'homélie
Le commandement d'aimer
Voilà un passage d’évangile que nous connaissons tous presque par cœur : « Dans la Loi, quel est le grand commandement ?… »
Réponse de la part de Jésus : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit” . Et puis : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”.
On connaît tous, cela, par cœur… au point qu’on risque de ne plus s’en étonner !…
Alors permettez-moi, chers amis, de m’étonner encore et toujours… de m’étonner de cette parole de Dieu,
et je l’espère, ce faisant, de vous permettre de vous étonner, vous aussi… !
Pour cela commençons par décortiquer le texte en prêtant attention aux mots que Jésus utilise :
Quel est LE commandement ?
Le grand commandement c’est celui d’aimer.
Alors… je commence déjà par m’étonner :
Chers amis, ne trouvez-vous pas qu’il y a comme une contradiction
entre ces deux mots : « commander » et « aimer » ?
Comment aimer peut-il être un commandement ?
Que nous soyons mariés, célibataires, ou prêtres, religieuses, ou moniales, vous le savez bien : vivre ensemble, supporter les défauts de nos proches, et même en faire l’axe central de notre vie, est le chemin de sainteté par excellence.
Deuxième étonnement : Aimer… d’accord… mais aimer qui ?
Tu aimeras le Seigneur ;
tu aimeras ton prochain…
et… n’oublions pas la fin de la phrase :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Autrement dit : Tu aimeras : Dieu ; Tu aimeras ton prochain ; et tu t’aimeras toi-même.
Quand j’étais jeune, le prêtre qui me faisait le catéchisme relayait volontiers
une pensée du philosophe Blaise Pascal, qui disait : « le “moi” est haïssable ».
Eh bien, permettez-moi donc de m’étonner, et de ne pas être d’accord avec ce grand philosophe.
Le “moi” n’est pas haïssable ! au contraire ! Puisque le grand commandement commence d’abord par s’aimer soi-même.
Et je vais vous le prouver :
Souvenez-vous de la phrase de Ste Thérèse de Lisieux :
Sainte Thérèse de l’enfant Jésus et de la sainte Face.
« aimer c’est tout donner et se donner soi-même »
Aimer, cela consiste donc à se donner soi-même.
En toute logique : si je commence par me haïr moi-même ;
si je commence par ne pas aimer ce que je suis,
que vais-je donner à l’autre, en donnant ce que je suis, alors que je n’aime
pas ce que je suis. Que vais-je donner en me donnant moi-même ?…
….
Donc, le commandement de Dieu le voici :
1°Commence d’abord par t’aimer toi-même.
Puis, 2° aime ton prochain.
Alors 3° tu pourras aimer Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
Bon… ceci étant dit… approfondissons quand même le sujet…
et revenons au mot « Commandement ».
Aimer, c’est quand même un effort.
Aimer, ce n’est pas seulement une affaire de sentiments.
Aimer c’est aussi un acte de volonté.
Allez… Je reviens encore à l’amour purement humain : à l’amour de notre prochain…
Chères sœurs, ne vous êtes vous jamais dit au sujet de l’une d’entre vous :
« oh ce qu’elle est pénible ce matin » !
Et de même pour vous chers amis qui êtes mariés :
« oh qu’est-ce qu’il m’agace. Qu’est-ce qu’elle m’énerve… »
Si on en restait là… personne n’aurait envie de préparer le petit déjeuner, de prévoir le repas, ou même d’aller travailler pour que cet amour se vive dans le confort nécessaire du foyer familial, ou de la communauté religieuse.
Que vous soyez homme ou femme ; que vous soyez mari ou épouse,
c’est donc bien parce que vous voulez aimer, que vous continuez à aimer !
Et moi aussi, mes frères, si je ne me disais pas le matin que je dois aimer Dieu et le faire connaître,
il se pourrait bien que je me dise certains jours :
« La barbe ! ça suffit cette vie de prêtre-célibataire ».
Ceci pour vous dire que ce n’est pas la résonnance sensible qui est la mesure de notre amour, mais bien plutôt la volonté !
Je pense tout particulièrement à ces parents d’enfants handicapés ou à tous les aidants qui accompagnent les personnes atteintes profondément de la maladie d’Alzheimer :
Si le foyer familial tient, malgré les terribles épreuves que la vie met sur leur chemin, c’est bien évidemment grâce à cette force extraordinaire qui nous dépasse complètement : cette force d’aimer qui transcende notre humanité.
Donc… Dernier étonnement, chers amis : Dieu nous demande d’aimer.
Mais si Dieu nous le demande, c’est que cela vient de lui.
Si Dieu nous commande d’aimer, c’est que c’est plus fort que nous ;
Si Dieu ose nous commander d’aimer, c’est que, préalablement, il nous en donne lui-même la force.
Ce commandement d’amour contient une grâce merveilleuse, propre à embellir la vie.
Je vais aimer mon voisin, l’immigré, la veuve ou l’orphelin non pas parce qu’il me plaisent, parce qu’ils le méritent, ou que j’ai envie de leur parler ou de les aider, mais parce que Dieu me demande de les aimer, et qu’il m’en donne la force.
Je vais aimer Dieu, non pas parce que n’en ai envie, mais parce que lui-même façonne mon cœur à l’unisson de son amour.
Je ne prie pas parce que j’en ai envie ; je ne vais pas aux offices ; je ne vais pas à la messe parce que j’en ai envie.
Mais j’y vais parce que Dieu attend de moi que je l’aime…
Parce que… lui, le premier, il m’a aimé.
Frères et sœurs : Aimons !
Aimons Dieu, de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit.
Aimons notre prochain, comme nous-mêmes.
Aimons !… C’est un ordre du Christ !
Amen !