
Lille, le 28 mai 2025
Frères et sœurs, chers diocésains,
Malgré les inquiétudes exprimées par un grand nombre d’associations de soignants, de juristes, d’intellectuels et de responsables religieux, ce 27 mai, la majorité aux deux tiers des députés a voté en faveur du projet de loi sur “l’aide à mourir”. L’Assemblée Nationale pense que sa mission est “d’être en phase” avec notre société toujours plus centrée sur les droits d’un individu, délié de ses appartenances, maître de sa vie jusqu’à pouvoir choisir sa mort. Avant que le débat ne s’engage au Sénat, je vous partage dans ces lignes ma tristesse et ma compassion.
Je pense aux jeunes dont je reçois de nombreuses lettres dans lesquelles de plus en plus me confient leur ébranlement face au suicide d’un des leurs et leur peine à se relever. Une génération fragile lance un cri d’alerte pour retrouver l’espérance à notre société qui lui répond par l’ouverture à une légalisation de l’aide au suicide.
Je pense à ces personnes qui, dans des Ehpad ou des hôpitaux, à certaines heures sombres, conscientes de leur fragilité et du coût des soins, se persuadent qu’elles sont devenues un poids trop lourd pour les leurs et la société toute entière. Or, notre société se prépare à les délivrer de cette culpabilité à vivre, qu’elle-même ne fait que renforcer, en leur laissant le choix de la mort provoquée plutôt que d’un accompagnement jusqu’au bout de la vie.
Je pense aux soignants et aux institutions de santé qui, s’appuyant sur la recherche médicale et la loi Claeys-Leoneti, ont fait tant de progrès dans l’accompagnement des personnes en fin de vie. Ils risquent de voir leur liberté de dire non à l’acte de donner la mort condamnée par l’autoritarisme d’un délit d’entrave. Étrange conception d’une liberté à deux vitesses, reconnue toute puissante à l’individu
qui peut choisir sa mort et déclarée impossible à ceux qui s’y refusent !
Je me réjouis du vote à l’unanimité des députés en faveur des soins palliatifs. Je m’interroge cependant sur la réalité des moyens qui seront affectés face à la pression d’une autre voie apparemment plus simple et plus économique. Une société qui s’engage dans l’extension sans limite des droits des individus met en péril le nécessaire lien de solidarité qui la fait tenir. Même des individus préoccupés
avant tout de ne vivre qu’à partir de soi et pour soi ont besoin de l’engagement généreux d’hommes et de femmes dans le service des autres à commencer par les plus vulnérables et la recherche du bien commun.
Les disciples du Christ sont appelés à choisir ce chemin de vie à la suite de leur Maître. Ils seront ainsi dans le monde, des témoins lumineux de l’espérance de la foi, encouragés dans la communion de
l’Eglise et la sagesse de l’Esprit Saint.
+ Laurent Le Boulc’h
Archevêque de Lille