l’Eucharistie : un merci communautaire

Dans le parcours de caté pour les enfants qui se préparent à la première communion, c’est ce texte d’évangile qui a été choisi pour parler de la messe. C’est étrange, vous ne trouvez pas ? Car cette histoire de la guérison de 10 lépreux semble ne pas avoir grand-chose à voir avec le rituel de la liturgie de ce dimanche.

Alors, chers amis, permettez-moi cette question : Pourquoi êtes-vous venus à la messe ce matin ?

Les plus anciens d’entre nous se souviendront sans doute du catéchisme de leur enfance : « la messe c’est obligatoire ».

Bien plus ! Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais manquer à la messe du dimanche était considéré comme un « péché mortel ».

Il me semble qu’aujourd’hui, les gens ne vont plus à la messe par devoir, ou par obligation, mais par conviction.
Et c’est tant mieux ! Pourtant, j’entrevois quand même un danger en cela : C’est le danger qui guette toute notre société moderne : le danger de l’individualisme, où tout est orienté vers la personne elle-même, sans prendre en compte la notion de communauté.

J’entends souvent, en effet, l’expression suivante : « je vais à la messe, parce que ça me fait du bien ; j’y trouve un réconfort pour moi, pour me ressourcer, pour que je puisse y reprendre des forces personnellement. »

Jésus pose la question au seul lépreux venu dire merci : « et les neuf autres, où sont-ils ? »

Peut-être bien que nous avons oublié, nous aussi, que « aller à la messe » c’est d’abord être ensemble : constituer une communauté, se rencontrer pour aller à la rencontre de Jésus.

C’est un grand théologien du 20è siècle, Henri de Lubac, qui a cette formule : « L’Eglise fait l’Eucharistie ; l’Eucharistie fait l’Eglise ». Bien sûr nous sommes réunis ce matin pour célébrer l’Eucharistie que nous allons vivre ensemble : L’Eglise célèbre l’Eucharistie ; l’Eglise fait l’Eucharistie.

Mais, par ailleurs, c’est l’Eucharistie, la messe du dimanche particulièrement, qui rassemble la communauté : L’Eucharistie fait l’Eglise… l’Eucharistie constitue l’assemblée de l’Eglise.

Mais reprenons ma question de tout à l’heure : « Pourquoi êtes-vous venus à la messe ce matin ? »

Qu’avons-nous commencé par faire, au début de notre célébration ? La préparation pénitentielle.

« Comme Jésus entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent ; « Jésus, Maître, prends pitié de nous » » En grec : « kyrie eleison ».

Je suis toujours surpris du nombre de fois où nous répétons cela au cours de notre messe : « Seigneur Prends pitié,
O Christ prends pitié, Seigneur Prends pitié » ; « Gloire à Dieu… Toi qui enlève les péchés du monde prends pitié de nous » ; « Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde prends pitié de nous ».

Et on se frappe la poitrine pour se reconnaître pécheurs.

Il faut bien comprendre cela : « Seigneur, prends pitié ». Il ne s’agit pas d’une pitié condescendante vis à vis de nous, qui serions des moins que rien. Mais bien plutôt : « Seigneur, nous faisons appel à ton amour inconditionnel pour toute l’humanité » : En d’autres termes : « Que ton sentiment amoureux… que tes entrailles de Père… s’émeuvent vis à vis de l’humanité. Nous sommes bien conscients d’avoir besoin de toi ! »

Enfin : troisième élément de réponse à cette question : « pourquoi êtes-vous venus à la messe ce matin ? »

Le samaritain guéri de sa lèpre, est revenu sur ses pas pour rendre grâce… pour dire merci !

Avons-nous toujours conscience qu’aller à la messe, c’est dire merci ?

Il m’arrive parfois d’essayer de comprendre ce que Dieu peut penser de nos célébrations. On a tellement l’habitude de se plaindre, de gémir, d’entrer dans des lamentations. « Regarde Seigneur ce monde qui souffre » ; « Seigneur, je te demande de m’aider ; je ne vais pas bien ; ma famille ne va pas bien ; notre société s’en va à sa perte ;
la planète est malade » ; « Seigneur au secours ! ».

Je me dis parfois que nous devons sans doute fatiguer le bon Dieu de toutes nos récriminations constantes…

Et si nous essayions de dire merci ?… En toute circonstance ( ! ) Et ce n’est pas si facile :

« Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles » nous a dit le psaume de ce dimanche.

Le mot même « Eucharistie » est un mot grec qui signifie justement « dire merci ». C’est bien pour cela qu’il faut se préparer avant d’aller à la messe. Si je n’y vient pas avec la conscience, remplie du souvenir de tout ce que le Seigneur a fait de bon dans ma vie, et tout récemment, simplement au cours de la semaine dernière par exemple ;

si j’y viens uniquement avec toute ma fatigue, mes désespoirs et mes rancœurs, alors, il y a de fortes chances que je loupe le rendez-vous. Et je comprends alors pourquoi il y a de moins en moins de monde à la messe.

« Souviens-toi de Jésus ressuscité d’entre les morts » dit St Paul dans la deuxième lecture. C’est, avant toute chose, le plus grand merci que nous adressons à Dieu au cours de chaque messe. Oui, nous en sommes témoins :
Jésus a vaincu la mort. Il est vivant ! Et il nous invite nous-mêmes à vivre de cette espérance :

Notre existence n’est pas vouée à la mort inéluctable. Mais à la vie !… à une vie humaine pleinement réussie !

 

+ Père Dominique Lemahieu, Curé

Saint André, Dimanche 9 octobre 2022