Marthe, elle veut en faire trop

Nous voudrions tous être des Marie, mais il faut bien assumer notre quotidien.

Si, dans notre vie de tous les jours, nous n’étions pas aussi Marthe : Qui ferait les courses ? Qui ferait le ménage ? Qui organiserait la maison ? Qui préparerait à manger ? Qui paierait les factures ? Qu’y aurait-il dans notre assiette ce midi ?…

Nous voudrions tous être des Marie, mais il faut bien aussi être des Marthe.

En fait que semble reprocher Jésus à Marthe ? Décortiquons un peu ce qu’il lui dit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du soucis, et tu t’agites pour bien des choses » Il y a d’abord cette répétition : « Marthe, Marthe ». C’est comme si Jésus voulait attirer l’attention de Marthe qui est en train de courir dans tous les sens.
Puis il y a ce pronom personnel : « Tu te donnes du soucis ». Jésus ne dit pas : « tu as des soucis ». Il dit « tu te les donnes »… En fait : « Tu te les crée, tes soucis » ! Il me semble bien que, ce que Jésus reproche à Marthe, c’est de vouloir en « faire trop ».

Reprenons alors la première lecture : ce fameux récit de l’accueil qu’Abraham fait au Seigneur, qui lui apparut sous la forme de trois hommes,
au lieu dit « des chênes de Mambré » : Abraham leur offre l’hospitalité. Il considère comme un honneur de les accueillir. Mais que leur propose-t-il ?

Un peu d’eau, et du pain… c’est tout. (La traduction liturgique dit « de quoi manger »… mais, si vous regardez dans vos bibles, Abraham leur propose seulement « un morceau de pain » pour qu’ils reprennent des forces). Un peu d’eau, et du pain… c’est tout. Les visiteurs répondirent : « bon, fais comme tu l’as dit ».

Et que fait Abraham ?… Il demande à sa femme de faire cuire des galettes. Il s’en va au troupeau pour offrir aux étrangers de la viande savoureuse qu’un serviteur va préparer. Il prit aussi du fromage blanc et du lait… Des galettes, de la viande, du fromage et du lait… Mais… ce n’était pas ce qui était convenu au préalable !
Il a fallu sans doute pas mal de temps pour préparer tout cela : préparer les galettes, tuer le veau gras, le faire cuire, préparer le fromage et le lait.
Qu’ont donc fait Abraham et les étrangers pendant tout ce temps ? Abraham ne les a sans doute pas laissés tout seuls à attendre.
Car cela fait partie de la plus élémentaire bienséance, lorsque l’on reçoit quelqu’un.

Voilà qui éclaire peut-être tout simplement ce qui s’est passé entre Jésus, Marthe et Marie…
Si Marie avait obéit à sa sœur Marthe, et l’avait aidée à préparer le repas, Jésus se serait retrouvé tout seul à attendre dans la salle à manger.

Voilà qui permet de calmer la polémique dans le choix des priorités entre l’action et la contemplation.

Il nous arrive, à nous aussi, d’être un peu excessif et « d’en faire trop ». On exagère, on s’angoisse pour peu, on fait des montagnes d’un rien et à l’arrivée c’est épuisant pour soi, mais aussi pour les personnes qui nous entourent.

Marie, pourtant, a choisi « la bonne part ». Elle a réussi à faire la part des choses, entre l’essentiel et le superflu.

Au lieu d’opposer les contemplatifs et les actifs – ceux qui prient, et ceux qui agissent – il me semble donc que les textes d’aujourd’hui nous invitent à faire le choix de la simplicité.

En ce dimanche, nous sommes invités à nous débarrasser de notre « volonté d’en faire trop » pour en revenir à l’essentiel : Inviter vraiment Jésus chez nous… Sans le laisser attendre tout seul, isolé, dans l’antichambre de notre cœur.

+ Père Dominique Lemahieu, Curé

Marquette, Dimanche 17 juillet 2022